ACADÉMIE DES SCIENCES IMMORALES ET POÉTIQUES

 

I
 Cette Académie a pour but de combattre la dangereuse vague de moralité qui s’étend actuellement sur les peuples civilisés; et à rendre à la poésie les honneurs qu’elle mérite.
II
 Le poète qui, d’abord, se veut libre échappe difficilement à l’immoralité, sauf lorsque ses facultés se trouvent amoindries par l’âge. De Ronsard à Guillaume Apollinaire, en passant par Verlaine et Rimbaud, de Villon à quelques uns de nos plus notables contemporains, la liste est longue de ceux qui ont noué une complicité plus ou moins secrète avec ce que la morale réprouve.
III
 Ne feront partie de cette Académie que ceux qui auront oeuvré, avec modération ou éclat, dans ces domaines : voleurs de carbure et voleurs de feu, ivrognes, insulteurs des pouvoirs publics, rêveurs debout, noctambules, trousseurs de lycéennes, chatouilleurs de sonnets, abrutis par le vice, prophètes, escrocs, mateurs du petit cinoche clandé, fervents de la douce, obsédés, chasseurs de fraises sauvages, harangueurs de nuées, canaques, voyoues danoises, cireurs d’étoiles, Ulysses de banlieue, brouteurs de toison d’or, satyres en activité ou honoraires _ et nous en passons.
IV
 Les membres fondateurs de l’Académie se réservent le droit d’accepter ou de rejeter, par votes, toute candidature, et ce sans avoir à justifier leurs raisons. Un casier judiciaire bien chargé est un élément favorable au candidat, mais non une condition indispensable.
V
 L’Académie se réunira tous les mois en un banquet où règnera la plus grande liberté de propos et de moeurs, cela va sans dire. Des dames et demoiselles, d’aspect agréable, seront conviées à ces agapes, au titre d’académiciennes provisoires. Naturellement, elles le feront en connaissance de cause et renonceront, ipso facto, à tout recours auprès des tribunaux si, d’aventure, le langage et les manières des académiciens leur paraissent un peu directs.
VI
 Chaque année, l’Académie des sciences immorales et poétiques décernera un prix.
VII
 D’autres statuts sont en cours de rédaction.

P.C.C. Le secrétaire:
André Hardellet

Texte adressé, le 17 avril 1965, à Alphonse Boudard.
Paru dans Jungle, n°10, mars 1987

Gallimard, collection L’Arpenteur, 1990

UNE LETTRE DE CLAUDE SEIGNOLLE

Cher Démiurge en pétillance de pages frénétique, cher ami « voyant », curieux en « plus-que-tout » et disant les « choses » à sa manière qui aurait plu à André Hardellet, diable d’autre ami avec qui nous hantions les bistrots à filles des Halles où nous habitions face à face, rue Beaubourg, avant l’assassinat de notre quartier –à-Beaujolais et à chaude-pisse. Souviens-toi du Bal chez Temporel où nous allions « marner » les filles si facile mais à venin.
Ton chouette de bouquin (De l’égarement à travers les livres, NDLR) te ressemble tellement que, le lisant, ta voix qui va partout en même temps, impossible à couper au ciseau de la conversation, sacrément entendue et ressentie. 
Il me semble que Collin de Plancy te colle à la peau, autant que Nerval ce qui perdure de notre fraternité. Quant à l’intrusion de Monsieur Claude, maquereau des mystères qu’on lui prête, ça m’a bien plu et je prends tes pages pour preuve que tu m’aimes sincèrement, nos folies cachées (moi) et visibles (toi). 
Tu as bien choisi tes sujets, ce qui fait que je n’ai pas renâclé à une première lecture rapide et passionnée. Je sais que je reviendrai souvent sur certains chapitres, si bien sorti de ta chaudière – pardon… alambic – animée sans doute par la sève champenoise des coteaux qui entourent ton officine à cauchemars délicieux. 
Belle et élégante couverture par là-dessus.
Ton co-fou dans nos « librairies » pourpres et déglinguées d’esprit qui te dit BRAVO pour toi et ton livre enchanteur.
A bientôt grand fiston exalté.

Claude Seignolle

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