BEL ANNIVERSAIRE MONSIEUR EDGAR POE

Bel anniversaire monsieur Edgar Allan Poe -19 janvier 1809.

« En achetant mes livres, j’ai toujours eu soin de les prendre avec de grandes marges ; non pas que je tienne à la chose pour elle-même, quelque agréable que cela soit. Mais j’y trouve cet avantage que je puis ainsi crayonner les pensées que me suggère ma lecture, mon adhésion à ce que dit l’auteur, ou mon dissentiment, ou encore de simples commentaires critiques. »

« Quand mes notes sont trop longues pour tenir dans l’espace d’une marge, je les confie à une feuille de papier que je glisse entre les pages et que je fixe par de la gomme. Il se peut que tout cela ne soit qu’une manie, quelque chose de banal et d’inutile. Cependant j’y prends plaisir. »

Edgar Poe, Marginalia, 1844-1849

 

Bel anniversaire monsieur Edgar Allan Poe – 19 janvier 1809.

2010

C’est ce qu’Edgar Poe aurait sans doute appelé un « mystère insoluble ». Depuis six décennies, un inconnu célébrait chaque année l’anniversaire de l’écrivain en déposant trois roses et une bouteille de cognac français à moitié vide sur sa tombe à Baltimore. Mais cette fois, le « Poe toaster » n’est pas venu, plongeant dans la perplexité ceux qui espéraient trouver un jour la clé de l’énigme.

Le mystérieux visiteur nocturne qui chaque année dépose des roses et une bouteille de cognac entamée sur la tombe du poète américain Edgar Poe le jour de son anniversaire a manqué mardi à la tradition pour la première fois depuis au moins 60 ans, a indiqué un membre de la Poe Society.

« Le visiteur a peut-être renoncé à la tradition car il est de plus en plus difficile d’entrer en toute discrétion dans ce cimetière entourant une église alors qu’une petite foule de gens attend pour voir ce rituel désormais célèbre », a-t-il supputé.

« Il n’est pas venu ce matin », a dit Jeffrey Savoye, le secrétaire et trésorier de la Poe Society qui compte 380 membres, admirateurs de l’écrivain répartis partout aux États-Unis et dans le monde, dont plusieurs en France où ses œuvres ont été traduites par le poète Charles Baudelaire au XIXe siècle.

Généralement il venait entre minuit et 5 heures du matin dans le petit cimetière de Baltimore (Maryland, est) le 19 janvier, depuis au moins 1949 – notant que cette année-là a marqué le centième anniversaire de la mort de Poe.

« Une cinquantaine de personnes ont attendu toute la nuit de mardi à mercredi, dans le froid, sur le trottoir longeant le cimetière, mais en vain », a précisé Jeffrey Savoye.

Plusieurs de ces personnes étaient venues de loin aux États-Unis pour ce pèlerinage qui cette année marque le 201e anniversaire de la naissance d’Edgar Allan Poe.

Le mystérieux admirateur a-t-il rendu l’âme ou été victime d’un malheureux contretemps ? Est-ce la fin de la tradition ? Le conservateur de la Maison-Musée de Poe, Jeff Jerome, restait désemparé devant le rendez-vous manqué de mardi. « Je ne sais pas ce qui se passe », avouait-il.

Le mystère s’épaissit donc, même si le nom de David Franks, un poète de Baltimore, amateur de canulars, a été cité. Âgé d’une soixantaine d’années, cet artiste, passionné par Poe et connu pour ses performances grotesques, s’est éteint la semaine dernière. Mais rien ne permet de prouver qu’il s’agissait bien de l’admirateur inconnu.

Maître du macabre, considéré comme l’inventeur du roman policier, Edgar Allan Poe, l’auteur des Histoires extraordinaires, né le 19 janvier 1809, est mort à Baltimore dans une taverne à l’âge de 40 ans. Le rituel du Poe toaster remonte au moins à 1949, date à laquelle l’Evening Sun de Baltimore évoquait « un citoyen anonyme qui vient chaque année placer subrepticement une bouteille vide (d’une excellente marque) » contre la pierre tombale.

Depuis 1978, Jeff Jerome guettait chaque année le passage du Poe toaster au Westminster Hall and Burying Ground. Caché dans l’église presbytérienne avec quelques amis et fans de Poe, il épiait l’inconnu, silhouette vêtue de noir, au chapeau à large bord et à l’écharpe blanche, qui se glissait la nuit dans le cimetière pour déposer trois roses et le cognac avant de s’éclipser.

Une autre version existe, mais elle est contestée vigoureusement par Jeff Jerome. En 2007, Sam Porpora, ancien historien du Westminster Hall, avait affirmé être le Poe toaster, disant en avoir eu l’idée à la fin des années 1960 pour faire un coup publicitaire. Mais il change régulièrement de version et reconnaît que de toute façon quelqu’un avait repris depuis la tradition.

En 1993, le visiteur avait commencé à laisser des messages, dont l’un qui annonçait : « Le flambeau va être repris. » En 1998, une note laissait entendre que l’initiateur de la tradition était mort, laissant ses deux fils lui succéder.

En 2004, en pleine brouille entre la France et les États-Unis sur la guerre en Irak, le message précisait qu’il n’y avait  « pas de place pour le cognac français » et que la bouteille avait été déposée avec une « grande réticence ».

D’après Associated Press Baltimore

2011

Les admirateurs d’Edgar Allan Poe qui se sont rendus à Baltimore dans l’espoir d’être témoins du retour du « visiteur mystère » de l’auteur américain, après un an d’absence, ont finalement été déçus.

Chaque année, le 19 janvier, un inconnu venait, à cinq heures du matin, célébrer l’anniversaire d’Edgar Allan Poe d’une bien étrange manière. Jusqu’à ce qu’il disparaisse mystérieusement, il y a un an. Le visage dissimulé par un foulard et un chapeau, une canne à la main, l’homme déposait son offrande à l’emplacement originel de la tombe de l’écrivain, à Baltimore. Trois roses rouges et une bouteille de grand cognac à moitié vide. Parfois, un petit mot et un baiser en direction de la tombe.

Un rituel qu’il reproduisait invariablement depuis 1949 sans que son identité soit jamais connue. Mais pour la seconde année consécutive, le « Poe Toaster », comme l’ont surnommé les admirateurs de l’écrivain, ne s’est pas montré. Est-il mort ?

Le Poe toaster était pourtant religieusement attendu par Jeff Jerome, le conservateur du Musée d’Edgar Allan Poe qui jouxte le cimetière. De nombreux admirateurs se levaient également à l’aube pour tenter de l’apercevoir. Jeff Jerome a déclaré que si le Poe toaster ne se présentait pas en 2012, il mettrait officiellement fin à la tradition.

 

2012

Les admirateurs de l’écrivain Poe ont pour habitude de lui rendre hommage le jour de son anniversaire mais l’un d’entre eux, un inconnu, s’est rendu célèbre par sa persévérance et son originalité. Depuis 1949, ce mystérieux visiteur se rendait, chaque 19 janvier, au cimetière presbytérien de Baltimore pour y déposer des roses et du Cognac. Seulement, depuis 2009, l’homme n’est pas réapparu, délaissant quelques curieux initiés à l’image de Jeff Jerome, le conservateur du Musée Edgar Poe.

« J’étais plus ou moins résigné à ce que ce soit fini », a déclaré le conservateur qui a « officiellement » annoncé la fin de cette étrange tradition. « Il manquera l’excitation de l’attente (…) Je me rendrai compte sûrement plus tard. Mais là je me sens trop fatigué pour ressentir quoi que ce soit d’autre » a encore déploré Jeff Jerome.

Le mystérieux admirateur, dont un cliché flou, visible à la Maison-Musée Edgar Allan Poe de Baltimore, a été pris il y a quelques années, avait pourtant entretenu l’espoir que cet hommage lui survive lorsqu’en 1993, il avait déposé une note qui affirmait que « le relais serait passé ».

Espoir envolé, comme le corbeau d’un poète.

Bel anniversaire monsieur Edgar Allan Poe – 19 janvier 1809.

 

BIEN-VEILLANT

 

Comme je fuis le sommeil, je lirai encore jusqu’à l’épuisement.
Le matin, il existera encore ce temps, ou ce nouveau lieu inexplicable qui succèdera au réveil en chahut.
Il faut recommencer chaque jour à se revisiter.
Ce chaque jour, nous ouvrons et inaugurons un nouveau « studiolo », une chambre des merveilles confidentielles et imaginaires. Qu’avons-nous fait durant la nuit ?
Des rêves sans scrupule, des pas secrets, des sauts de puce dans le coeur des anges ?
Les philosophes, les phrénologues de naguère et les neurologues sont incapables d’expliquer cet endroit inconnu.
Cette nuit par exemple où je collectionnais des insectes que je conservais dans une boîte d’entomologiste comme le vertueux Jean-Henri Fabre.
Au réveil, seulement un scarabée delicat, à mes côtés.
Tombé d’un livre.
Échappé d’une lecture
Et bien vivant.
L’un d’eux est sur le dos.
Nous nous observons, crédule
Je le retourne et, loin de la nuit et du manque de Poe, lui souhaite une belle journée.
Avec les bien-veillants Gil Jouanard & Pierre Michon


CRÂNE PASSION

Splendeur hypnotique de l’abysse, également effroi, vraies fausses vérités ou faussement vraies ou bien vraiment fausses ou bien passablement exactes ou bien partiellement erronées, fiction nuisant à la réalité – à moins que ce ne soit l’inverse – références fiables et citations extravagantes, sens multiples invraisemblables, en un mot : enchevêtrements. Balancement, binôme, entre-deux, yin et yang, pourtant ni tout l’un, ni tout l’autre ; il n’y a pas de gauche ou de droite, de nord ou de sud, mais l’infini des nuances qui se masquent toutes, le labyrinthe de l’à peine croyable.
Quand l’aura-t-on quittée, la trop confortable route de l’évidence dans Le Collectionneur de Providence ou Petit Traité de crânophilie, très brillante nouvelle fantastique d’Éric Poindron ? Sera-ce dès l’incipit, au sortir du train du héros, William Hope Hodgson, vrai vivant cependant ? A moins que l’on se sera détourné du droit chemin dès les citations en exergue, celle de John B. Frogg notamment ?
 
« Derrière la vérité, il existe une autre vérité ; laquelle est la vérité ? »
 
Main dans la main avec Hodgson, on croira d’abord s’aventurer dans un récit de Poe. Et puis, non. Ce sera un autre panorama. La rassurante dimension soudain en percutera une autre. Fiction teintée de réalité, à présent historiée d’une once de fiction. Le cocher H.G. Wells, l’hôte « biblio-phrénologue » Lovecraft, les livres rares et… la collection de crânes cirés portant mentions manuscrites.
Loin de la vanité baroque en laquelle voisinent couramment livres et crânes humains, le rapport s’inverse ici comme dans une messe noire, le luciférien prenant le pas sur la paix des tombeaux.
Éric Poindron écrit avec une habileté, une souplesse déconcertantes : graduellement, son récit avance et, sans coup férir, bascule d’une région à une autre, de la route sombre à la librairie, de la salle à manger à la biblio-crânothèque. Aussi le lecteur zigzague-t-il malgré lui de l’appréhension à la crainte, de la stupéfaction à l’horreur. L’auteur manie avec brio un certain illusionnisme stylistique, d’un classicisme mâtiné de références nombreuses qui ne s’interdit ni le croisement ni le dépoussiérage de celles-ci. D’aucuns diraient une forme manifeste de modernité.
 
N’en étant pas à son coup d’essai, Éric Poindron s’est déjà révélé un auteur prolifique. Son blog en témoigne. Il est également un habitué des éditions les Venterniers qui ont fait, avec cette publication, une œuvre admirable, dont il serait injuste de ne pas dire un mot. Car l’opus a bénéficié des soins les plus attentifs, avec un choix vigilant de papiers de bons grammages et deux plats « épaissement » cartonnés qui raviront les bibliophiles soucieux tout autant de leur livre que de leur vanité. La première de couv’, ajourée de six carreaux comme une fenêtre que le lecteur s’apprête à ouvrir sur le verbe, dévoile six crânes rigolards.
Et il y aura de quoi rire ! Parce qu’en dépit de leur souriante hideur, n’aurez-vous pas déjà pénétré leur infernal royaume ?
 
 Le collectionneur de Providence ou Petit traité de crânophilie, suivi de L’affaire John B. Frogg ou Le Mystère de la citation de l’écrivain mystère  de Eric Poindron, éditions les Venterniers, 2016.
 
© David-Georges Picard pour GAUDRIUME LIBRIS / Ingrédients : 100 % de livres, sans conservateur (ou presque)

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