NUIT(S), FOLIE, FANTÔMES

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Par Jérôme Bolteau, ancien libraire

« … Pardon ?  « Nuit(s), folie, fantômes & quelques masques » d’Eric Poindron, oui, bien-sûr, je l’ai lu, et je tiens à préciser que je l’ai au préalable acheté.

Ce ‘pas grand chose’ m’a par exemple fait me rapprocher en quelque sorte de Claude Seignolle, vous connaissez ? Non ? Et ben, moi, comme ce Eric, nous avons rencontré Monsieur Claude à la bibliothèque, en province, par hasard, y a quelques années. Non, pas dans la même bibliothèque. Oui, revenons au livre, oui. Ce bouquin « Nuit(s), folie, fantômes & quelques masques d’Eric Poindron » ne ressemble vraiment à rien, rien d’habituel, ‘rien de commun’ comme disait Corti (José, ou Philippe, je sais plus), parce qu’il n’y a même pas de boussole pour s’orienter dans le brouillard de ces pages reliées par des mains toutes humaines, lesquelles ont, dans le désordre, noué, découpé, imprimé, collé, massicoté, numéroté et daté au crayon de bois/à papier, …ces même mains ont aussi inséré une carte de visite, manuscrite au verso. La neige tombant dans la cave.

Ni un roman, ni un recueil de nouvelles/poèmes, ni un journal intime, ni un guide touristique/philosophique/culinaire/bibliographique, ni un catalogue, ni un lexique.

Pas non plus une autobiographie masturbatoire du genre de celle proposée en dépôt par un Thénardier qui confie au libraire être inquiet d’avoir égaré tout à l’heure un billet de banque dans les pages d’un de ses exemplaires. Chamisso au château de Boncourt en 1793. Y a quand même des photos, un peu, même si pas en couleur, et des contributions d’autres personnes, dont Beigbeder, mais pas que non plus. Y a quoi d’autre dedans ? -Jean-Baptiste Grenouille/John B. Frogg – … Et ben, en fait, y a comme qui dirait un sommaire sur la première de couv’, la fameuse boussole, mais sans indication de numéros de pages… -Traité de la délation, éditions Cortex Frères, Rodolphe Trouilloux clerc de notaire, avocat, détective (1887-1922).

Qu’à cela ne tienne, je vais placer un signet à chaque partie/chapitre annoncé, au fur et à mesure de l’avancée de ma lecture, afin de compléter ce sommaire sommaire : Impossible : les pages ont beau comporter au minimum une astérisque, voire parfois même un titre dans les espaces séparant les paragraphes, et toujours un numéro entres crochets en bas à droite/gauche, l’encre semble être fantôme. Nerval/Daumal. La couverture et chaque page de ce bouquin sont une sorte d’âne rouge/Khun Chang Khun Phaen, ou jeu du taquin : dès qu’elle est manipulée, touchée, tournée, retournée, les lettres glissent et se recombinent en de nouvelles phrases toujours renouvelées. Les combinaisons semblent infinies, c’est pourquoi il est très difficile de retrouver un passage lu l’instant d’avant/d’après. En gros, sachet que vous manipulez, garni de petits cailloux colorés, un objet insaisissable. Sachet que vous manipulez, avec de ci de là, comme à la plage, une coquille, dont vous n’aurez pas la vulgaire et déplacée attention de cacher le Q.»

Témoignage recueilli un soir à l’aube, sur la Lande, par Jérôme B.

« Quelques éditeurs me promettent parfois de prendre mes textes si ceux-ci deviennent de petits guides estivaux, légers et fourmillant d’adresses touristiques. Toutefois, C’est exactement ce que je ne souhaite pas faire. Là où tel éditeur attend de bonnes auberges, je préfère des lits de fortune. Quand tel autre exige des parcours balisés et chronométrés, je n’ai que des culs-de-sac et des chemins de traverses à leur proposer. Alors je renonce aux commandes et j’écris pour moi. Les manuscrits restent dans mes tiroirs tout remplis de fantômes et de secrets. Par hasard heureux, quelques écrivains bienveillants ament quelquefois mes textes. J’ai préféré longtemps, et préfère encore aujourd’hui, leur reconnaissance à l’édition de livres simplifiés et caviardés. Je n’ai aucune impatience et crois que l’on a toujours raison d’attendre. A patient, patient et demi.»

Nuit(s), folie, fantômes & quelques masques d’Eric Poindron
, page [58], exemplaire n°32 daté du 30.09.2016, éditions Les Venterniers.

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PRISONNIER

Dans un grenier grand parental, une page déchirée s’était imposée ma rêverie. Un dessin, jauni, un peu cuit, représentait un trois mats fantomatique aux prises avec les terres froides et les mer de glace ; immobilisé comme le sont les mouettes victimes des boues noires. Le vaisseau fantôme questionnait, m’appelait à l’aide. Aujourd’hui encore, je ne sais pas comment faire pour qu’il reprenne sa route. Sous le dessin il y avait cette légende : « Lorsqu’enfin le jour se leva les occupants de La Flore constatèrent que le champ de glace étendait à perte de vue ». La Flore était prisonnière à jamais, et je n’ai jamais su de quel livre avait dérivé le navire.
Aujourd’hui encore, je cherche démobiliser. J’ai tout essayé, pour faire fondre la glace ; réussirai-je un jour à délivrer mon fantôme ?
Il me semble qu’à chaque fois les glaces reforment. Alors je continue. J’invente. Mon navire de papier me permet de vérifier que j’ai raison de vouloir d’imaginer, et mettre à mal les certitudes.
Extraits de Nuit(s), Folie, fantômes & quelques masques, éditions Les Venterniers
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NUIT (S), FOLIE, FANTÔMES & QUELQUES MASQUES

Nuit(s), Folie, Fantômes et quelques masques, d’Eric Poindron :
un séisme poétique

par Félicia-France Doumayrenc

L’écriture poétique est-elle une nécessité dans un monde si violent qu’il devient, par instant, une quasi-obligation de faire une pause ? S’entourer de livres, s’accompagner de textes qui bouleversent, rassurent, interpellent n’est-ce pas un moyen de survivre à cette insurmontable pesanteur du quotidien ? C’est ce que nous donne à penser ce merveilleux livre, ce miraculeux séisme poétique écrit par Eric Poindron.

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Dès les premières pages, la magie opère. On pénètre dans l’univers particulier de l’auteur dont le monde ne peut laisser indifférent. Et, cette phrase vient en tête dans une espèce de quasi-immédiateté : le poète est condamné à écrire. La sentence est-elle lourde ? Oui, car c’est une peine à perpétuité et sans remise de peine. Tous les jours vivre dans les mots pour dépasser les maux du présent.

Éric Poindron a créé son univers de collectionneurs, de bibliophiles, s’entourant de têtes de mort et d’espoirs de lune bleue, d’étoiles scintillantes, de fantômes gardiens et égarés sur lesquels il écrit :

« Les fantômes n’existent pas, j’en ai désormais la certitude, même si je n’en suis pas certain. Les fantômes ne sont guère que les résidents de nos imaginations enfouies, et les nostalgies inavouées d’un autrefois ; aussi, oui, les fantômes existent. »

Contradiction poétique ou poésie à l’état pur ? L’imaginaire ne peut se fixer de limite, ne doit pas en avoir. Il est la page blanche sur lesquels les mots se forment, prennent un relief, deviennent des phrases, des textes, un livre.

Ces « NUIT (S), FOLIE, FANTÔMES & QUELQUES MASQUES sont une plongée dans un délicieux abîme où le poète fait se rencontrer, ce qui serait, pour certains l’impossible et d’une incroyable manière les vivants et les morts qui par le fil tenu de sa plume, abolissent dans ce livre la notion même de mortalité. L’écrivain est éternel, on le savait, Eric Poindron nous le pointe du bout de ses mots.

Et, l’on croise avec une délectation infinie et dans un désordre artistiquement arrangé : Sophocle, Chénier, Walter Scott, Reverdy, Breton et Gilbert-Lecomte (pour ne citer qu’eux). On y lit des textes de Marc Dufaud qui décrit avec justesse la vie d’un des “phrères” du Grand Jeu, de son fils Nathanaël qui signe “un dernier verre” et ne fait pas défaut à la phrase de Rimbaud citée par Poindron  « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. » Et d’autres amis de l’auteur.

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Mais, si la magie éclate dans ce livre et rend à la poésie sa vraie place qui tend a disparaître, c’est grâce à la mise en forme (on pourrait quasi dire mise en bouche, en yeux, en sens) du livre. Le poète n’est pas que poésie, il est enchanteur, compteur, passeur, barman dans ses temps que l’on ne suppose jamais perdus. Ainsi glisse-t-il une recette de cocktail dans le chapitre : PARIS – LITTÉRATURE BY NIGHT ou Diogène vs Arthur Cravan une nuit à la Closerie des Lilas.

Et, c’est aussi parce que l’écrivain en proie à des interrogations permanentes nous livre une partie de son intime :

« Je suis obsédé par les objets, naturels ou moins. Dans une astrologie qui reste à inventer, je suis sans doute né sous le signe de l’insolite ascendant fétichiste. Il faut toujours que je collectionne, que j’accumule, que je donne, que je troque. Chaque objet ‘me raconte une histoire. »

Eric Poindron a réussi ce qui pour d’aucuns semblent de nos jours impensable, et infaisable : ce recueil poétique nous raconte une histoire. Il nous glisse dans sa barque pétillante de champagne, d’immortels et de squelettes rieurs et nul besoin de donner son obole à Charon, le poète a rendu l’âme aux fantômes et le rire aux vivants.

Tel Héraclès, le lecteur sort plus que jamais en vie de ce livre dont il faut aussi signaler l’extraordinaire beauté de la confection. C’est un objet précieux et qu’il est bon de garder dans un coin de son chevet.

Nuit(s), Folie, Fantômes et quelques masques, de Eric Poindron, Editions les Venterniers, collection « La Chambre forte. »

© Félicia-France Doumayrenc pour ActuaLitté

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Éric Poindron est éditeur – aux éditions Le Castor Astral où il dirige la collection « Curiosa & cætera » –, écrivain (Actes Sud, Flammarion, L’Épure, Les éditions du Coq à l’Âne…), piéton, animateur d’ateliers d’écriture, critique et cryptobibliopathonomade. Il s’intéresse à la petite histoire de la littérature et à ses excentricités : auteurs mineurs, petits éditeurs, bibliophilie, fous littéraires, sciences inexactes ou para-littérature. Il lui arrive aussi d’écrire sur la gastronomie, les vins et les alcools. Collectionneur d’objets et d’instants insolites, il est aussi le curieux gardien d’un cabinet de curiosités ouvert au public. Il aime à faire croire qu’il pratique la bicyclette avec délectation, se prend pour un poète et affirme avec méthode, mais non sans stupeur, que les fantômes existent.

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NUIT(S), FOLIE, FANTÔMES & QUELQUES MASQUES

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Dans ce nouvel opus, : Nuit(s), Folie, Fantômes & quelques masques –  Fiction, fragments, confessions déguisées ou si peu -,publié aux éditions Les Venterniers, coll. « La Chambre forte », Eric Poindron s’adresse en confidence à son lecteur. En « confidence », comme l’entend son cher Robert Louis Stevenson. Il ne tombe pas les masques, il les confie à celui qui veut le suivre, comme il suivit avant les traces de Claude Seignolle, de Chamisso ou de Sadegh Hedayat comme une chouette aveugle. Il se joue, non de celui qui le lit, mais de lui-même. Est-il fou ou est-il sage ? Est-il réel ou imaginaire ? Joue-t’il au funeste sorcier ou à l’élégant magicien ? Quels chemins creuse-t’il pour mieux s’y perdre, vivant le jour avec ses fantômes, les laissant la nuit au repos pour mieux emprunter leurs esprits ? Assis aux côtés de l’écrivain- – mystère John B. Frogg, il observe ce que ses rêves font de son monde et le raconte sans excès et sans pudeur.

Intime, égaré, égarant, ludique, mélancolique et brumeux comme des Nuits nervalienne et d’octobre, Eric Poindron prend par la main, entraîne dans un labyrinthe de secrets enfouis, comme ces petits cailloux cachés au fond de ses poches et dont il ne se sépare jamais. Adolescent, il raconte l’adulte qu’il devient, et adulte, il vous livre son adolescence.

Ce livre n’est ni confession psychanalytique, ni révélations. Tout y est, mais est-ce tout de lui ? En lisant « Nuits, Folie, Fantômes », vous découvrirez toutes ses vérités. Vous connaîtrez toutes les routes que ses dérives empruntent. Ou vous n’en saurez presque rien. A vous de savoir en quel esprit vous choisirez de croire.

A. Marie, pour Les Venterniers

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NUIT(S), FOLIE, FANTÔMES & QUELQUES MASQUES
Fiction, fragments, confessions déguisées ou si peu

Nuit d’octobre, Automate, Cimetière, Lord Byron, Théatre, Double, Miroir, Poème de Marc Dufaud, Instants chamanique, Gérard de Nerval, Rennes-le-Château, Lac souterrain, Nuits de Paris & d’ailleurs, Confessional, Trésors, Sculpture fantastique, Livres rares, Nouvelle originale & inédite de Géraldine Beigbeder, Voyages improbables, Bibliothèque macabre, Tombes insolites, Raymond Roussel, Sinuosité, Collection de crânes, Jabberwock(y), Musée Secret, Closerie des lilas, Cabinet des flots & des curiosités, Guillotine, Larvatus prodeo, Mélancoli(e)s, Escholier, Ghost light, Loups, Crayons à encre & à papier, Islande, Syndrome(s), Forêts, Corbeaux & corneilles, Contes & contes de fées, Vents & silence.

Et s’il existait « autre chose »  à côtes de nos certitudes ?
Voilà le lecteur prévenu.
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