CODEX GIGA ou « LA BIBLE DU DIABLE »

 
Bienheureux lecteur lave tes mains
Et manie le livre comme ceci :
Tourne les pages délicatement, évite
De toucher les lettre avec tes doigts,
Celui qui ignore l’écriture n’imagine
Pas que cela puisse être un travail, qu’il est pénible d’écrire ; la vue en est troublée, les reins en sont broyés et tous les membres souffrent cruellement.
Trois doigts écrivent, mais le corps entier souffre.
 
Complainte d’un scribe au VIIe siècle
 
 
Dans le jargon bibliophilique, un livre fantôme est difficile à dénicher puisqu’il ne reste à se place, sur les étagères publique, que le carton d’identité qui attestait de sa présence et de son existence.
Le Codex Gigas ou « Bible du Diable » n’est pas un livre fantôme.
 
 
« Codex Gigas ou « Bible du Diable »
 
Un moine anonyme du couvent des bénédictins
du village de Podlazice
près de la ville de Chrast
en Bohême de l’Est
en serait l’auteur
27 ans de travail
un seul homme
Début du XIIIe siècle.
Autour de l’année 1229
50,5 centimètres par 93 centimètres
ou 97
75 kilogrammes
les peaux d’au moins 160 animaux
624 pages de texte manuscrit
manque huit pages
312 feuilles de parchemins
quatorze textes différents
Ancien Testament
Nouveau testament
 
Manuel des prêtres
Liste des pêchés
Listes des pénitences
Ars medicinae
Formule médicale
Contre
La fièvre
L’épilepsies
Les autres maladies
Formules incantatoires
Calendrier nécrologique
Chronica Boëmorum
Chronique des Bohémiens
 
Et un diable
Griffu
Cornu
haut de cinquante centimètre
Qui fait la grimace
 
Souvent, la main se lasse
Avec le temps
Et l’épreuve
la calligraphie change
le copiste renonce
 
Ici, la calligraphie est la même
Vingt-sept ans de pureté
 
La légende
un moine
condamné à être emmuré vivant
Afin d’échapper à son supplice
Il promet d’écrire
en une seule nuit
le plus grand livre du monde
quand minuit approche
il implore le diable
de l’aider
à terminer »
 
Extrait de MARGINALIA & CURIOSITÉS, E. P. , Éditions Les Venterniers, 2015.
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Votre serviteur s’émerveillant devant le Codex Gigas, ou Bible du diable,
Prague, 2007, non loin de la célèbre – et cachée – porte des enfers,
chère aux sages kabbalistes.

DIABLE !

A Monsieur Norbert G, érudit & fouineur jubilatoire

« Quand le Diable s’empare de quelqu’un, il s’attache à lui depuis la tête jusqu’aux pieds. Aussi l’opération pour le chasser est-elle un peu longue. Il faut le suivre place à place, lui faire quitter l’un après l’autre, les membres du possédé. Un habile exorciste se garde bien de le laisser pénétrer jusqu’à une certaine partie du corps, surtout de celui d’une femme ; car c’est là qu’il fait sa dernière retraite et qu’il se cramponne, espérant que la pudeur de l’exorcisant, ou de l’exorcisé, ne permettra pas qu’on y fasse visite pour l’en déloger. Le bon homme Job, en réfléchissant sur son fumier, avait deviné cette ruse du Diable, et pour qu’on n’y soit pas trompé, il la découvre dans le Livre de la Bible qui porte son nom ; c’est là que le Père Osterman l’a trouvée le premier : sub umbra dormit in secreto Thalami, in locis humentibus. C’est donc dans les marais du corps humain que le Diable fait sa dernière retraite, présumant qu’aucun Prêtre n’osera la toucher dans cet humide et obscur réduit.‘Fingit se aegre ferre quod sacerdos tangat vultum ejus, dit Jérôme Menghi ; ad hoc ut vehentius tangat et inde mulieri ingerat voluptuosa fantasma ; et eadem ratione, fingit se aegre ferre quod Sacerdos loquendo, nimis approximet ori, ut vultum vultui magis approximet.‘ Zacharias Vicecomes a découvert une autre finesse du malin Esprit. Il a remarqué, dit-il, que les possédées regardent lascivement l’exorciste ; qu’elles tâchent de lui toucher les mains, ou de mettre leurs pieds sur le sien, et que, par de semblables manoeuvres, elles ne cherchent qu’à l’exciter à l’impureté. Maximilien ab Eynatten dit la même chose, et les avertit de substituer les signes de croix aux attouchements. Brognolo prouve invinciblement combien il est dangereux de poursuivre le Diable dans cette cachette. Il arrive fort souvent, dit-il, que des filles jeunes et belles sont tourmentées par l’Esprit malin. D’abord il les saisit au col et s’y tient jusqu’à ce que l’exorciste l’ait oint de la Sainte Huile avec ses mains sacrées. De là il descend à la poitrine, d’où on le déloge par le même moyen. S’il se range ensuite sous la mamelle, il faut que le Prêtre touche cet endroit, et qu’il le frotte de la Sainte Huile, mais dévotement et avec honnêteté. Enfin il passe à la matrice, que le Prêtre, qui aime la Chasteté, ne veut pas toucher ; mais la jeune fille crie et demande avec instance qu’il la touche en cet endroit, parce que ses tourments ne peuvent être apaisés que par l’attouchement de ses mains sacerdotales.  »

Jean-François Née de la Rochelle, Les Fredaines du Diable, ou recueil de morceaux épars, pour servir à l’histoire du Diable et de ses suppôts ; tirés d’Auteurs dignes de foi, par feu M. Sandras, Avocat en Parlement ; mis en nouveau style et publiés par J. Fr. N. D. L. R., Paris : 1797 [an VI], Chez Merlin, Libraire, Chapitre XIX. Le Diable se sauvant par les marais

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Le « Codex Gigas » appelé aussi « Bible du Diable »