HARMS AU POING !

Les éditions L’ENGOULETEMPS, au joli nom Jarryesque, ont l’excellente idée de rééditer (*) l’écrivain iconoclaste, le poète provocateur, le météore de l’avant garde Russe, l’excentrique et prophète Daniil Harms. Le vie du bonhomme fut courte est pénible, et son œuvre, dense et lumineuse, témoigne des ses souffrances et de l’absurdité de la planète qu’il fréquenta avec beaucoup de distance. Les lecteurs de Harms ne sont pas nombreux mais se reconnaissent entre eux,  ils aiment ses mots qui filent comme des fusés et il ne sont jamais dupes.

Au paroxysme d’une époque de terreur (les années 30 en Russie), les textes de Harms – né en 1905 – poussent à son terme les principes de l’avant-garde russe : autonomie de l’art, humour noir, cruauté et indifférence face au sort de l’autre, impossibilité de la communication et éclatement de la vie. Enemi du régime stalinien, le poète et satiriste ira jusqu’au bout de sa propre avant-garde : sa vie, qu’il terminera en 1942 en Hopital psychiatrique.

Et l’éditeur de préciser :

« Au paroxysme d’une époque de terreur (les années 30 en Russie), les textes de Harms poussent à son terme les principes de l’avant-garde russe : autonomie de l’art, humour noir, cruauté et indifférence face au sort de l’autre, impossibilité de la communication et éclatement de la vie ».

« Ces petits récits ne sont ni cruels, ni absurdes. Ce sont des angelots qui montrent la cruauté et l’absurdité de ce qu’on lit d’habitude. »

Vivre ou en rire, voilà le choix que nous propose le poète. Et puisque il faut choisir, choisissons : l’œuf ou la poule, Smith ou Wesson, Socrate ou Diogène – j’ai choisi – , Sambre ou Meuse, Poire ou dessert – j’ai aussi choisi ! – , Wells ou Fargo (…)

(…) perte ou fracas ?!

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Daniil Harms, l’esprit libre

Dans Le Tombement, petits récits cruels et absurdes, Daniil Harms, à son tour ne  nous laisse pas le choix ; qu’on en juge et qu’on le lise :

« Un Français a reçu en cadeau un divan quatre chaise et un fauteuil.

Le Français s’assied sur la chaise près de la fenêtre, tout en ayant envie de s’étendre sur le divan. Le français s’étend sur le divan, et déjà, l’envie le prend d’essayer le fauteuil. Le Français quitte le divan et s’assied dans le fauteuil, comme un roi, mais déjà certaines pensées trottent dans sa tête comme quoi, dans le fauteuil, c’est un peu trop somptueux. Plus de simplicité sur la chaise, c’est mieux.

Le Français passe sur la chaise près de la fenêtre, seulement il ne tient pas sur cette chaise parce qu’il y a un petit courant d’air. Le Français passe sur la chaise près du poêle et se sent gagné par la fatigue.

Alors le Français décide de s’étendre sur le divan et de se reposer, mais,sans même arriver jusqu’au divan, il oblique et s’assied sur le fauteuil.

– Voilà où on est bien ! dit le Français, cependant il ajoute immédiatement : Mais sur le divan, c’est peut-être mieux ?

Ni l’un ni l’autre, ou le – ici mot manquant – entre deux chaises »

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Et cet autre texte : 

A PROPOS DE POUCHKINE

Il est difficile de dire quelques chose de Pouchkine à qui ne sait rien de lui. Pouchkine est un grand poète. Napoléon est moins grand que Pouchkine. Et Alexandre Ier, II, et III ne sont que des bulles de savon en comparaison de Pouchkine. Et tout le monde n’est que bulle de savon en comparaison de Pouchkine ; mais en comparaison de Gogol, c’est Pouchkine qui est une bulle de savon.

C’est pourquoi plutôt que de Pouchkine, je vais vous parler de Gogol.

Mais Gogol est si grand qu’il est impossible de dire quoi que ce soit à son sujet ; c’est pourquoi je vais quand même vous parler de Pouchkine.

Mais après Gogol, parler de Pouchkine est un peu offensant. Et de Gogol impossible. C’est pourquoi je préfère ne rien dire du tout.

15 décembre 1936

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Le curieux gardien vous recommande la lecture de :

Le Tombement, éditions l’Engouletemps, d’après des textes déjà parus chez Christian Bourgois
Ecrits, Chrisitan Bourgois
Œuvres en prose et en vers, Verdier
Incidents : Et autres proses, éditions CIRCE

DIVAN

Un Français a reçu en cadeau un divan quatre chaise et un fauteuil.

Le Français s’assied sur la chaise près de la fenêtre, tout en ayant envie de s’étendre sur le divan. Le Français s’étend sur le divan, et déjà, l’envie le prend d’essayer le fauteuil. Le Français quitte le divan et s’assied dans le fauteuil, comme un roi, mais déjà certaines pensées trottent dans sa tête comme quoi, dans le fauteuil, c’est un peu trop somptueux. Plus de simplicité sur la chaise, c’est mieux.

Le Français passe sur la chaise près de la fenêtre, seulement il ne tient pas sur cette chaise parce qu’il y a un petit courant d’air. Le Français passe sur la chaise près du poêle et se sent gagné par la fatigue.

Alors le Français décide de s’étendre sur le divan et de se reposer, mais, sans même arriver jusqu’au divan, il oblique et s’assied sur le fauteuil.

– Voilà où on est bien ! dit le Français, cependant il ajoute immédiatement : Mais sur le divan, c’est peut-être mieux ?

Daniil Harms, Le Tombement, aux éditions Engouletemps.

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HARMS AU POING

Les éditions L’ENGOULETEMPS, au joli nom Jarryesque, ont l’excellente idée de rééditer (*) l’écrivain iconoclaste, le poète provocateur, le météore de l’avant garde Russe, l’excentrique et prophète Daniil Harms. Le vie du bonhomme fut courte est pénible, et son œuvre, dense et lumineuse, témoigne des ses souffrances et de l’absurdité de la planète qu’il fréquenta avec beaucoup de distance. Les lecteurs de Harms ne sont pas nombreux mais se reconnaissent entre eux,  ils aiment ses mots qui filent comme des fusés et il ne sont jamais dupes.

Au paroxysme d’une époque de terreur (les années 30 en Russie), les textes de Harms – né en 1905 – poussent à son terme les principes de l’avant-garde russe : autonomie de l’art, humour noir, cruauté et indifférence face au sort de l’autre, impossibilité de la communication et éclatement de la vie. Enemi du régime stalinien, le poète et satiriste ira jusqu’au bout de sa propre avant-garde : sa vie, qu’il terminera en 1942 en Hopital psychiatrique.

Et l’éditeur de préciser :

« Au paroxysme d’une époque de terreur (les années 30 en Russie), les textes de Harms poussent à son terme les principes de l’avant-garde russe : autonomie de l’art, humour noir, cruauté et indifférence face au sort de l’autre, impossibilité de la communication et éclatement de la vie ».

« Ces petits récits ne sont ni cruels, ni absurdes. Ce sont des angelots qui montrent la cruauté et l’absurdité de ce qu’on lit d’habitude. »

Vivre ou en rire, voilà le choix que nous propose le poète. Et puisque il faut choisir, choisissons : l’œuf ou la poule, Smith ou Wesson, Socrate ou Diogène – j’ai choisi – , Sambre ou Meuse, Poire ou dessert – j’ai aussi choisi ! – , Wells ou Fargo (…)

(…) perte ou fracas ?!

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Daniil Harms, l’esprit libre

Dans Le Tombement, petits récits cruels et absurdes, Daniil Harms, à son tour ne  nous laisse pas le choix ; qu’on en juge et qu’on le lise :

Un Français a reçu en cadeau un divan quatre chaise et un fauteuil.

Le Français s’assied sur la chaise près de la fenêtre, tout en ayant envie de s’étendre sur le divan. Le français s’étend sur le divan, et déjà, l’envie le prend d’essayer le fauteuil. Le Français quitte le divan et s’assied dans le fauteuil, comme un roi, mais déjà certaines pensées trottent dans sa tête comme quoi, dans le fauteuil, c’est un peu trop somptueux. Plus de simplicité sur la chaise, c’est mieux.

Le Français passe sur la chaise près de la fenêtre, seulement il ne tient pas sur cette chaise parce qu’il y a un petit courant d’air. Le Français passe sur la chaise près du poêle et se sent gagné par la fatigue.

Alors le Français décide de s’étendre sur le divan et de se reposer, mais,sans même arriver jusqu’au divan, il oblique et s’assied sur le fauteuil.

– Voilà où on est bien ! dit le Français, cependant il ajoute immédiatement : Mais sur le divan, c’est peut-être mieux ?

Ni l’un ni l’autre, ou le – ici mot manquant – entre deux chaises

Et cet autre texte : 

A PROPOS DE POUCHKINE

Il est difficile de dire quelques chose de Pouchkine à qui ne sait rien de lui. Pouchkine est un grand poète. Napoléon est moins grand que Pouchkine. Et Alexandre Ier, II, et III ne sont que des bulles de savon en comparaison de Pouchkine. Et tout le monde n’est que bulle de savon en comparaison de Pouchkine ; mais en comparaison de Gogol, c’est Pouchkine qui est une bulle de savon.

C’est pourquoi plutôt que de Pouchkine, je vais vous parler de Gogol.

Mais Gogol est si grand qu’il est impossible de dire quoi que ce soit à son sujet ; c’est pourquoi je vais quand même vous parler de Pouchkine.

Mais après Gogol, parler de Pouchkine est un peu offensant. Et de Gogol impossible. C’est pourquoi je préfère ne rien dire du tout

15 décembre 1936

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Le curieux gardien vous recommande la lecture de :

Le Tombement, éditions l’Engouletemps, d’après des textes déjà parus chez Christian Bourgois
Ecrits, Chrisitan Bourgois
Œuvres en prose et en vers, Verdier
Incidents : Et autres proses, éditions CIRCE